Sa réputation le précède. Le Marais, situé entre le 3e et le 4e arrondissement de Paris est l’un des quartiers les plus touristiques et les plus prisés de la capitale. Ancien marécage du XIIe siècle, zone féodale et ecclésiastique, le quartier du Marais est aujourd’hui perçu et ressenti par les passants comme la petite Italie de la Rive Droite.
Triangulé entre trois grandes places parisiennes (Bastille, République et Hôtel de Ville), le Marais représente parfaitement la mixité sociale qui y a toujours régné : un paysage très hétéroclite, moderne au charme d’antan, comme entre bourgeoisie et artisanat. Alors, êtes-vous prêt'e)s à découvrir les endroits méconnus et cachés que le Marais insolite et secret vous cache ?
Le charmant Village Saint-Paul
Situé au croisement des rues Charlemagne et de l’Ave Maria, le village Saint-Paul fait partie des lieux sous- jacents du quartier. Véritable petit îlot marchand à l’origine, il était très apprécié tant de ses habitants que des riverains pour son calme et sa tranquillité. Sa destruction fut ordonnée sous la IVe République, lorsque que l’insalubrité des habitations fut considérée comme dangereuse, et donna lieu à leur immédiate reconstruction.
L’esthétique du village a donc été partiellement restaurée, tant certaines bâtisses furent reconstruites à l’identique. Ses plus beaux édifices, ayant été épargnés de tous ces changements, seront protégés par la loi Malraux, promulguée en août 1962. Elle permettra au village de Saint-Paul de conserver l’architecture et l’atmosphère si particulière de l’îlot, renforçant l’idée de protection du patrimoine. C’est dix ans plus tard que l’architecte Félix Gatie redessine l’endroit tel qu’on peut le voir aujourd’hui.
Rue Saint-Paul, 75004 Paris - Métro 1 Saint-Paul
L'intrigante fontaine de la rue Charlemagne
Surnommée "L'enfant portant la coquille", cette fontaine intrigue toujours les passants. Et pour cause ! Alexandre Gady, historien de l’art, a émis une hypothèse qui une fois formulée, saute aux yeux : le visage de cet enfant ressemblerait à s’y méprendre à celui de Victor Hugo dans les années 1830-40, période où son lieu de résidence se trouvait non loin, Place des Vosges.
Cette théorie trouve également son origine dans la coquille que l’enfant porte au-dessus de lui. Elle semble identique aux bénitiers offerts par l’écrivain lui-même à l’église de Saint-Paul-Saint-Louis… Aucun autre historien n’a émis d’hypothèse plus précise ou plus pertinente. Alors, spéculation ou hommage ?
9 rue Charlemagne, 75004 Paris - Métro 1 Saint-Paul
Le restaurant Chez Julien : une institution
Bistro-chic de cuisine française, le restaurant Chez Julien est une enseigne incontournable du 4e arrondissement. Sa popularité et son charme découlent de sa sublime terrasse, de ses murs fleuris et de sa décoration, tout droit sortie de la Belle Epoque. Ce bâtiment est classé monument historique. En effet, cette bâtisse située à l’angle de … et … illustre parfaitement le Paris du XIXe siècle. A l’époque, les commerces de première nécessité (alimentation notamment), sont souvent pris d’assaut par des parisiens criant famine.
C’est pourquoi nous pouvons y voir, tout le long de sa façade, une grille de fonte qui à cette période avait une valeur protectrice et dissuasive. Anciennement, ce bistro était une boulangerie nommée « Au pigeon blanc ». Cela explique la présence de l’ornement d’un pigeon doré, accolé au mur du restaurant. Les pommes de pins, elles, avertissent de la nature du commerce. La résine de la pomme de pin était utilisée pour sceller les tonneaux, contenant généralement du vin. L’allure historique du lieu et son côté atypique nous permet de nous souvenir de notre passé. L’atmosphère intime, chaleureuse et décontractée qui s’y ressent aujourd’hui nous invite à profiter des beaux jours en terrasse, dégustant un bon déjeuner avec vue sur l’île Saint-Louis.
1 rue du Pont Louis-Philippe, 75004 Paris - Métro 7 Pont Marie
La petite histoire insolite du Bazar de l’Hôtel de Ville
Renommé le BHV Marais en 2013, le Bazar de l’Hôtel de Ville impressionne par sa coupole majestueuse et ses vitrines alléchantes. Pourtant, cet endroit n’était pas voué à un tel succès… jusqu’à ce que le destin s’en mêle. Dans les années 1850, François-Xavier Ruel et sa femme Marie-Madeleine Poncerry arrivent à Paris pour vendre des bonnets en déambulant Place de l’Hôtel de Ville. C’est neuf ans plus tard que le couple ouvre sa bimbeloterie avec pignon sur rue, le « Ruel jeune » au 54, rue de Rivoli. Mais la boutique s’est plutôt faite connaître sous le nom de « Bazar Napoléon ».
En effet, selon la légende, l’impératrice Eugénie (femme de Napoléon III) serait passée devant sa boutique, et ses chevaux se seraient soudain emballés, effrayés. Ruel serait alors sorti pour lui porter assistance, et serait parvenu à les canaliser. Touchée par cet acte de bravoure, elle lui fit remettre une belle bourse pour le remercier. François-Xavier Ruel utilisera cette récompense pour créer un véritable bazar directement inspiré des commerces persans, avec Marie-Madeleine Poncerry à sa direction.
Le meilleur marché de tout Paris se spécialise alors dans les rayons outillage et quincaillerie, mais développe également de nombreux rayons mode, des restaurants… comme pour y créer un lieu de vie. Aujourd’hui, le BHV Marais est l’un des endroits incontournables du shopping parisien, et appartient majoritairement aux Galeries Lafayette.
42 rue de la Verrerie, 75004 Paris - Métro 1 et 11 Hôtel de Ville
Le Mémorial de la Shoah
On ne peut pas évoquer le quartier du Marais sans évoquer sa qualification courante de « quartier juif ». Il est vrai que le Marais est connu partout en France comme étant le quartier ayant caché le plus de juifs sous le régime de Vichy. C’est pourquoi en 1956 Georges Goldberg, Louis Arretche et Alexandre Persitz dressèrent rue Godeffroy-L’Asnier (4ème arrondissement) le Mémorial du Martyr Juif Inconnu, véritable extension du Centre de documentation Juive Contemporaine qui archive chaque preuve, chaque document attestant de la persécution des juifs de l’époque.
À l’intérieur de ce mémorial reposent sous une étoile de David en marbre, les cendres des juifs décédés dans les camps, ainsi que dans les ruines des ghettos de Varsovie et de la terre d’Israël, afin d’instaurer à la fois le devoir de mémoire envers les 6 millions de juifs disparus pendant la Shoah, et la possibilité de recueillement pour tout un chacun. En 2005, sous la présidence de Jacques Chirac, le Mémorial du Martyr Juif Inconnu devient le Mémorial de la Shoah, avec un mur du souvenir pour les disparus, et un mur des justes pour ceux qui ont risqué leurs vies pour la cause, tous élevés au rang de héros.
Le Mémorial de la Shoah nous permet de se documenter, de faire des dons, de comprendre mais surtout, c’est un endroit de transmission et de médiation essentiel pour les générations futures.
17 rue Godeffroy L’Asnier, 75004 Paris - Métro 7 Pont Marie
Le Marronnier du jardin Anne Frank
Pour encore mieux comprendre cette notion de « quartier juif », intéressons-nous à un résistant végétal. En effet, au cœur de l’un des plus vastes îlots du Marais, se trouve un jardin municipal de 4000m2, abritant un arbre centenaire avec un lourd passé. Le jardin Anne Frank rassemble plusieurs jardins, dont celui de l’hôtel Saint-Aignan. C’est en 1962 que la Ville de Paris achète l'hôtel de Saint-Aignan et ses jardins. L’année suivante, l’hôtel est classé Monuments Historiques.
En 1998, c’est Jacques Chirac qui est alors maire de Paris, et qui décide de transformer l'hôtel de Saint-Aignan en Musée d'art et d'histoire du Judaïsme. Le jardin fût inauguré et ouvert pour la première fois aux visiteurs en 2007. Le directeur de la Maison Anne Frank à Amsterdam, Hans Westra, était présent et, il n’est pas venu les mains vides : un rejet du marronnier qu’Anne Frank décrivait dans son journal, et voyait de sa cachette pendant la guerre ! Un témoin végétal qui permet de valoriser le devoir de mémoire de manière bucolique, vivante et évolutive.
Il s’agit là également d’un sauvetage génétique. Avec les années, le manque d’entretien, les parasites faisant apparaître de la pourriture, et une tempête, le marronnier d’origine de 150 ans aurait été perdu...
14 Impasse Berthaud, 75003 Paris - Métro 11 Rambuteau
L’appartement du Père Lachaise
Au 14 rue Charlemagne, dans le 4e arrondissement de Paris, se trouve une porte d’entrée pas comme les autres. Il faut traverser le lycée Charlemagne (pavillon de l’ancienne cour d’honneur de la maison professe de la Compagnie de Jésus) puis monter un escalier du XVIIe siècle, pour se trouver face à la porte d’entrée d’un appartement très spécial. Mais à qui appartient-il ? Eh bien, c’est celui du célèbre Confesseur des Rois de France, François d’Aix de la Chaise dit le « Père Lachaise ».
Quand arrive le printemps, François d’Aix de la Chaise a la possibilité d’aller se ressourcer dans une fabuleuse maison de campagne avec un immense terrain (appartenant aux jésuites de Mont-Louis), jardins d’une superficie de 17 hectares, à l’est de Paris. Cette propriété était si grande qu’elle a été aménagée en cimetière en 1804. Cependant, l’endroit peine à se faire connaître et visiter car il est jugé trop loin du centre-ville. Afin de pallier cette situation, on y transfère en 1817 les sépultures de Jean Baptiste Poquelin (Molière) et de Jean de La Fontaine, et nomme le cimetière « Père Lachaise » pour rendre l’endroit attractif et identifiable. Cependant, il faut se méfier des apparences : le Père Lachaise n’est pas enterré dans le cimetière éponyme, mais repose dans la crypte de l'église Saint-Paul-Saint-Louis avec autres jésuites.
14 rue Charlemagne, 75004 Paris - Métro 1 Saint-Paul
La légendaire Tour Saint-Jacques
La Tour Saint-Jacques est un bijou d’architecture gothique du Ve siècle. On la trouve dans le square éponyme, situé rue de Rivoli dans le 4e arrondissement. Son clocher est le seul vestige de l'église Saint-Jacques-la-Boucherie, détruite en 1797. Autour de ses 52 mètres de hauteur, un espace vert magnifique créé par le préfet Haussmann à ses débuts, sous le Second Empire. C’est plus d’un siècle plus tard que la Ville de Paris acquiert le square Saint-Jacques.
La Tour Saint-Jacques abrite sous son piédestal la statue de Blaise Pascal car il y expérimente sa théorie de « l’équilibre des liqueurs » ainsi qu’une stèle rendant hommage à Gérard de Nerval, qui se pendit non loin place du Châtelet. La tour abrita également deux des ateliers de Nicolas Flamel au XIVe siècle. Cette Tour a toujours une forte symbolique religieuse. En effet, depuis 1965, l’Espagne offrit à la ville de Paris une plaque symbolisant que le lieu serait désormais le départ du célèbre pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle.
39 rue de Rivoli, 75004 Paris - Métro 1,4,7,11,14
La Maison de l'alchimiste Nicolas Flamel
Nicolas Flamel est connu partout à travers le monde. Ce parisien aisé est un écrivain public, libraire-juré et copiste au XIVe siècle. Son mariage et ses spéculations immobilières lui confèrent une situation très confortable, qu'il finira par utiliser dans des constructions pieuses. Nicolas Flamel n’est cependant pas célèbre pour ses investissements, mais bien pour avoir trouvé la pierre philosophale : un terme symbolique traduisant un savoir faire alchimique ancestral qui permettrait la transmutation du plomb en or !
Grâce à cette connaissance, le patrimoine personnel de Flamel commença à s'amplifier et les rumeurs concernant le célèbre chercheur se mirent à fuser dans tous les recoins Paris. L'alchimiste fit ainsi construire cette maison de ville suite à la mort de sa femme Pernelle, en 1397. Il décida d'y abriter au rez-de-chaussée un commerce et un logement gratuit pour les pélèrins à l’étage. Pour bénéficier d'une nuité, la seule condition était de faire ses prières du matin et du soir...
D’après le Dictionnaire historique des rues de Paris, la maison de Nicolas Flamel est la plus ancienne maison connue à ce jour que l’on puisse dater. Sa façade est classée aux Monuments historiques depuis le 23 septembre 1911. Aujourd’hui, c’est l’auberge Nicolas Flamel qui a pris possession des lieux, un restaurant étoilé par le guide Michelin !
51 rue de Montmorency, 75003 Paris - Métro 4 Étienne Marcel
Le quartier “Gay Hype”
Le quartier du Marais est réputé pour être le quartier gay de la capitale. Pourquoi ? Voici quelques explications à cette qualification. Au début du XXe siècle, les médecins considéraient encore que l’homosexualité était pathologique. Cependant, à Paris, se développent quelques lieux de “sociabilité homosexuelle”. D’abord majoritairement présents dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, alors symbole de haut lieux de vie intellectuelle, artistique et culturelle, les zones “gay friendly” de la ville se diffusent jusqu’au Marais.
C’est l’aspect cosmopolite, et hors de la constante effervescence parisienne qui permet à la communauté gay d’y diffuser l'étendard aux couleurs de l’arc-en-ciel dans les années 80. Il existe, dans le quartier du Marais, beaucoup d'établissements de nuit (bars, restaurants, cafés) exclusivement réservés aux homosexuels. Le Drugstore, le très célèbre Café de Flore, le Bronx, sont des refuges pour ces personnes qui, à l’époque heureusement, sont incomprises et rejetées de la société.
Quartier tranquille le jour mais animé le soir, le Marais est un endroit hors du temps, coloré, éclectique… On s’y sent bien. C’est une mosaïque architecturale, un melting-pot culturel et artistique, un lieu de création et d’imaginaire par excellence. Alors, allez-vous flâner dans ses rues pavées, découvrir ses nombreuses boutiques, restaurants et espaces verts chargés d’histoire ?